Quand j’ai quitté la France pour m’installer dans la petite oasis de Douz, au pied de l’immense Sahara, j’ai quitté aussi une grande partie de ce qui constituait ma vie : l’appartement que je louais – et ce qu’il y avait dedans -, mon travail d’enseignante, ma famille, mes amis, mes activités, mes habitudes, ma culture.
C’était un choix, un véritable coup de foudre même, pour le désert et la vie simple des nomades récemment sédentarisés de cette petite ville loin de tout. Une envie – un besoin ? – de retour à l’essentiel. C’était là que je voulais vivre !
Ma valise… Avant
A chacun de mes séjours là-bas, avant le grand départ, je prenais conscience de tout le superflu qui encombrait ma vie.
A chacun de mes retours chez moi, je me libérais d’un peu de ce superflu. Matériel, mais aussi immatériel, comme ce besoin d’occuper chaque moment libre, d’emplir ma tête d’infos ou de musique, de combler chaque vide, chaque temps, chaque espace, chaque silence.
Le grand saut approchait. Et ce qui me semblait si facile, si évident, devenait plus difficile et incertain. L’enthousiasme devenait questionnements, d’autant plus que mon entourage me transmettait ses inquiétudes. Mais j’avais déjà envoyé – et obtenu – ma demande de mise en disponibilité, j’avais déjà résilié mon bail, fait toutes les démarches administratives, signalé partout et à tous mon départ.
J’étais morte de trouille mais, j’avais un défaut une qualité : j’étais têtue comme une mule. Hors de question de faire marche arrière – même si, en toute honnêteté, j’en avais fortement envie…
Alors, j’ai continué le tri et le délestage, forte de ce que j’avais commencé à comprendre de mes séjours chez les nomades. J’ai fait le tri, j’ai vendu, j’ai donné, j’ai jeté. (Chuut, faut pas le dire, j’ai aussi quand même laissé quelques affaires chez mes parents, « au cas où »…)
C’est simple : tout ce que j’emportais devait tenir dans ma petite Toyota Starlet qui m’emmenait vers ma nouvelle vie…
Ma valise… Pendant
Le jour du départ, la Starlet était… bourrée ! Du coffre (avec les sièges arrières repliés) au siège avant passager. J’avais pensé rajouter des barres de toit quelques jours avant le départ, mais la voiture n’était pas adaptée pour ça. De toute façon, vu que la moitié des bagages était composée de livres, elle n’aurait jamais tenu le choc sous le poids !
Et oui, même avec la meilleure volonté du monde, pas facile de devenir une vraie nomade en quelques mois… ! Et même si mes choix de vie s’étaient toujours portés sur les expériences et les voyages plutôt que sur l’accumulation de biens.
Le jour du départ, impossible de caser tous les cartons dans la Starlet. Nouveau tri. Rapide. Sans avoir le temps de réellement vérifier ce que contenaient les cartons que je laissais.
Tant pis, il était de toute façon prévu que je revienne voir la famille en France dans un an.
Mais ce dernier tri à la dernière minute n’avait pas été des plus judicieux. Je me retrouvais finalement avec des casseroles en Tunisie et leurs couvercles en France, des appareils en Tunisie et leurs chargeurs en France, et autres déconvenues…
Tant pis, il était de toute façon prévu que je revienne voir la famille en France dans un an…
Ma valise… Après
Un an plus tard, j’étais de retour en France, pour l’été. Avec ma fidèle Starlet que je comptais bien remplir de tout ce qui m’avait manqué pendant cette première année passée dans mon oasis perdue.
Oh, j’étais heureuse là-bas, toutes mes peurs et autres inquiétudes s’étaient évaporées et je ne regrettais pas une seconde d’avoir fait ce choix de m’y installer. Pour rien au monde je n’aurais quitté cette nouvelle vie pour reprendre celle d’avant. Je n’avais plus un sou en poche, mon nouveau job me permettait juste de pallier aux besoins de base, mais j’étais heureuse.
Pourtant, pour être honnête, une partie de moi avait rêvé toute l’année d’un grand magasin… (Oui, j’avoue, ça fait pas très « nomade » tout ça…) Tu sais, un peu comme quand tu rêves d’une grosse part de gâteau au chocolat fondant alors que ça ne fait que 3 jours que tu as commencé ton régime…
J’ai tenu quelques jours et, je suis allée dans un grand magasin -:)
Avec mon caddie, j’ai fait tous les rayons, un par un. J’ai pris tout mon temps, j’y suis restée 3 heures.
Et tu sais quoi ? Quand je suis ressortie, le caddie était quasi vide. Juste 2-3 bricoles.
Pourtant, j’en ai pris des choses pour les mettre dans le caddie. Mais à chaque fois, quelque chose m’arrêtait.
Le prix déjà. Tout me semblait terriblement cher par rapport aux prix tunisiens. Par rapport aux prix en francs également, parce que j’avais quitté le pays avant d’avoir eu le temps de m’habituer aux euros
Et puis, je me rendais compte que j’avais vécu une année sans, que je n’en étais pas morte, et que, si je m’en étais passée pendant un an, je pouvais bien m’en passer au moins un an de plus.
Et finalement je n’ai même pas rapporté en Tunisie les cartons que j’avais dû laisser derrière moi le jour du départ. (Entre nous, je ne m’en suis pas débarrassée non plus, je les ai en fait ajoutés à ceux qui trainent encore chez mes parents, « au cas où ». Alors que je ne sais même plus ce qu’il y a dedans ! Promis, papa maman, si vous lisez cet article, un jour, je vais le faire ce tri…)
14 ans plus tard, je ne suis pourtant toujours pas devenue une « vraie » nomade.
En 12 ans à Douz, j’ai réussi à accumuler finalement bien plus d’affaires que je ne le pensais.
En déménageant à Djerba, j’ai fait un gros tri mais, les meubles s’ajoutant, je ne suis pas sûre d’avoir réellement gagné au change 😉
Et pourtant, je rêve de faire tenir ma vie dans une valise (taille cabine)…
Mais au fait, pourquoi tu nous racontes tout ça Christine ?
Parce que tout ça a un rapport avec l’essentiel.
En fait, l’essentiel n’est pas tant d’accumuler ou de ne pas accumuler des biens, de faire tenir sa vie dans un palace ou dans une valise. Ni l’un ni l’autre n’est d’ailleurs mieux ou moins bien.
L’essentiel, c’est d’être heureux avec ce qu’on a ou ce qu’on n’a pas. D’être heureux que l’on ait ou que l’on n’ait pas. Et que, ce qu’on possède ne se révèle pas être au final un boulet…
Et toi, est-ce qu’il y a des choses que tu aimerais vraiment avoir et qui te rendraient plus heureux-se ?
Si tu gagnais une grosse somme au loto, qu’est-ce que tu t’achèterais ?
Si un incendie ravageait ton logement, comment réagirais-tu (passé le choc) ? Rachèterais-tu tout (avec l’argent de l’assurance) ? Ou en profiterais-tu pour alléger ton nouveau logement ?
Rêves-tu d’un changement, d’un nouveau départ dans ta vie, de plus de sens ? Cet incendie, par le fait que tu as tout perdu (je parle du matériel seulement), pourrait-il être finalement ce coup de pouce qui t’aiderait à te rapprocher de ton rêve ? De ce qui est essentiel pour toi ? Ou t’en éloigne-t-il ?
Ce que tu possèdes, est-ce un poids, ou cela apporte-t-il de la légèreté dans ta vie ?
Je te laisse avec ces questions…
Pendant ce temps, je retourne au tri de mes affaires.
Est-ce que j’arriverai à faire tenir ma vie dans une valise, même en version taille XXL ? Pas sûr. Est-ce un réel besoin ? Pas sûr. Mais l’envie d’aller dans ce sens est là, l’intention aussi. Et la naissance de ce blog en est un premier pas.
Parce que le véritable allègement ne tient pas qu’à une valise. Même si ça en fait certainement partie.
En fait, je crois que mon vrai rêve est de faire tenir le bonheur dans mon cœur (taille Amour inconditionnel)…
ma chère Christine, je n’ai pas eu le temps de te répondre, mon esprit étant encombré par des bêtises administratives. Pour avoir lu le boudhisme et le taoisme, que je pratique , je donne tous les habits et livres qui ne m’ont pas servis depuis un an….ça fait des heureux , allège mon espace et mon âme, car…… »il faut être heureux de ce que l’on a pas…. » et, tu l’as remarqué, question habits, il y a ce qu’l faut partout dans le monde, surtout à Djerba.
je suis partie à 28 ans m’installer aux Canaries, quittant un poste dans l’administration (où je m’ennuyais)et…ailleurs…bref , à chaque fois on m’a traitée de « folle », mais je peux t’assurer que ce sont des jaloux, qui sont incapable de se réaliser, qui vivent par rapport au regard de la société ou de leurs proches, mais sont un reflet et non leur propre entité. je pense vraiment que l’on peut partir avec une valise, car ton essentiel est dans ton âme et ton cœur
j’ai fait une grosse erreur , en janvier 2011, je devais acheter un appart à Djerba, j’y suis revenue en avril, ne l’ai pas acheté car……j’ai écouté les « autres »….il ne faut jamais se laisser influencer mais suivre son instinct, réaliser sa propre vie, car elle nous appartient, à Toi
aussi, ton bagage, n’Est-ce pas toi tout simplement ?
il y a 2 ans j’ai failli mourir, j’ai donné tous mes bijoux de valeur , des objets de valeur , ça ne me manque pas du tout et…….je vais très bien
porte toi bien
sois heureuse
françoise
Merci, chère Françoise, d’avoir pris le temps de partager ces moments de vie qui donnent à réfléchir… et me confortent dans mon chemin. Oui, donner allège l’espace et l’âme…
Je te rejoins totalement dans ta conception de suivre son instinct, de ne pas se laisser influencer et de réaliser sa propre vie. De toute façon, quoiqu’il arrive, cela n’est qu’expérience dont il y a toujours quelque chose de bon à sortir. Et les expériences les plus fortes, comme celle que tu as vécue il y a 2 ans, sont souvent celles qui permettent de nous ramener sur le chemin vers l’essentiel…
Sois heureuse,
Christine
Coucou Christine
J’adore tes articles , quel talent de retranscrire nos émotions et nos questions sur la vie.
J’aime bien les » ici et maintenant ‘ qui permettent de dire STOP . ..5mn pour moi!
La respiration est bien essentielle quand on l’écoute.
Faire le choix de partir au bout du monde ! certainement l ‘envie de chacun d’entre nous..à un moment ou un autre.
Pour ma part le bien matériel n’est pas indispensable et par conséquent faire le vide des placards est plutôt un allègement agréable et régulier.
Aujourd’hui j’ai donc fait un tri de vêtements, de vaisselle. ..rien qui ne prépare à un grand départ ( non, non) mais un sentiment de se débarrasser quand même !
C’est certain l’essentiel est dans soi
Retrouvons le bon chemin. ..je te suis chère Christine !
Coucou Véro, merci ! Contente que tu aimes les pauses « ici et maintenant ». Oui, ça fait du bien ces STOP réguliers…
Chapeau pour ton tri régulier ! Je devrais prendre ton exemple. Enfin, quand ma vie tiendra dans une valise, ça devrait être plus facile 🙂
Oui, l’essentiel est dans soi… Heureuse de suivre ce chemin avec toi chère Véro…
coucou Chris … j’adore lire tes articles ….. As tu déjà pensé a écrire un livre ? TA VIE …. ton départ quand tu as quitté la France …. Ton arrivée a Douz …. ton vécu a Douz …. CE que tu as appris en tant que nomade pendant toutes ces années …. CE que tu as laissé ou regretté … JE pense que ton écrit serait formidable tu as l’art d’écrire … C ‘est avec plaisir que je te lirais ….
Coucou Anna, merci ! On me l’a demandé plusieurs fois, j’y ai pensé… et je ne l’ai pas fait. Mais c’est finalement un peu ce que j’entame, avec ce blog…
C’est un merveilleux moment que je passe quand je lis vos articles Christine !
Merci Michèle 🙂
Quel courage Christine tu as eu.
En 2009, j ai voulu faire pareil ..Je suis partie vivre à Hammamet .tout quitter après le décès de mon 1er mari…en 2011 je suis revenue car trop de réflexions de la part de la famille, enfant etc….
Alors bravo bravo !!
Même si je suis heureuse je ne passe pas une seule journée à penser à Hammamet …
Continues de nous faire partager…tu nous emportes avec toi ….
Merci
Merci Eliane pour ce partage. Tu l’as fait aussi, même si tu es revenue. Alors bravo à toi aussi !
CHERE CHRISTINE APRES MES ETUDES J’AI QUITTE LA TUNISIE EN FIN 69 POUR M’INSTALLER EN ITALIE OU J’AI TROUVE UN BON TRAVAIL OU JE ME SUIS MARIEE ET FORME UNE FAMILLE. EN 92 LE DESASTRE SUITE A LA CRISE ECONOMIQUE EN EUROPE ET PARTICULIEREMENT EN ITALIE LA SOCIETE FRANCAISE DANS LAQUELLE JE TRAVAILLAIS FERME JE TE LAISSE IMMAGINER LES CONSEQUENCES. DEPUIS CETTE DATE BEAUCOUP D’EVENEMENTS NEGATIS SE SONT PRODUITS ENTRE AUTRES UNE TERRIBLE OPERATION A LA TETE QUI MA GARDEE ENTRE LA VIE ET LA MORT PENDANT CINQ MOIS..DEPUIS JE VIE AU JOUR LE JOUR EN APPRECIANT ENCORE PLUS QUE JAMAIS LE DON DE LA VIE AVEC TOUTE SA SIMPLICITE…
JE T’EMBRASSE…
Parfois, un événement terrible nous fait apprécier encore plus la vie… Merci pour ce partage Vincente. Je t’embrasse…
Je suis partie à Malte avec toute ma vie dans la voiture. Je pensais arriver enfin au début de la sagesse…
Et je n’avais rien laissé chez personne. Moins de livres que toi puisque je lis en ebook depuis 2012.
Je me trouve très bien quand je suis allégée et pourtant je n’arrive pas à m’y tenir.
Mon séjour à Malte contre mets un retour avec tous dans la voiture comme à l’aller je n’ai donc pas fait de de course particulière sur place mais à mon retour en France j’ai ressenti ce besoin d’oxygène stupide et me suis remise à fréquenter ses boutiques qui remplissent ma maison de choses dont je me sers pas trop trop souvent mais je les ai pour le cas où…
Je vais voir comment m’abonner poursuivre des écritures qui me plaisent beaucoup.
à bientôt
<3
Merci Isabelle ! Je te comprends, je fais la même chose… D’où mon envie de ne m’installer nulle part actuellement, pour m’obliger à me contenter d’un baluchon (avec une liseuse depuis…).
Tu peux t’abonner ici : https://terranomadis.com/lettres-nomades/
A très bientôt <3